Vivre en Croatie avec des enfants bilingues
Je vous partage ici mon expérience de vie avec des enfants bilingues franco-croates.
Je vis en Croatie depuis que j’ai rencontré mon mari qui est croate. Je vous avoue que je n’avais jamais imaginé vivre un jour dans ce pays que je savais à peine placer sur la carte de l’Europe à l’époque.
La Croatie est devenue mon pays d’adoption. J’ai appris assez rapidement le croate en vivant dans la famille de mon mari, et en entendant parler croate 24h/24.
En 2012 nous avons accueilli nos jumelles et en 2014 notre troisième fille.
Elles sont nées à Split et vont à l’école croate depuis qu’elles ont 3 ans. Vivant en Croatie le croate n’a bien sur jamais été un problème pour elles, mais plutôt le français qu’elles ne parlent qu’avec moi. Enfin à vrai dire le français n’a jamais non plus été un problème pour elles, mais plutôt un défi pour moi qui ai dû accepter le rôle de prof de français en plus de celui de maman. Et c’est là qu’on s’aperçoit à quel point le français est compliqué !
Donc si vous êtes dans une situation similaire, si vous êtes expatriés, si vos enfants sont bilingues et que vous parlez deux langues à la maison je vous fais part ici de ce qui a marché (et ce qui n’a pas marché) pour apprendre à parler, à lire, et le plus dur, à écrire en français.
0 à 7 ans – Apprendre à communiquer
Je leur ai toujours parlé exclusivement en français depuis la naissance jusqu’à aujourd’hui. Que l’on soit seules ou en société. Les seules exceptions que j’ai fait pour m’adresser à elles en croate et lorsque les copines croates viennent à la maison, je m’adresse à mes filles en croate pour ne pas exclure les copines.
Je pense que la règle la plus importante lorsqu’on apprend une langue aux enfants c’est une personne / une langue. Donc pour moi c’était le français à 100% et je ne comptais pas m’adresser à elles en croate, même aux repas de famille, même devant mon mari. Et puis je ne pouvais compter que sur moi-même pour leur apprendre le français, si je me mettais de temps en temps à leur parler en croate qui était plus facile et logique pour elles je savais qu’il allait prendre le dessus et adieu le français qui est trop compliqué. Alors je me suis tenu à cette règle, le français et rien d’autre.
Je leur ai toujours mis les dessin-animés et les films en français (merci Netflix). Et je dirai que ça a duré jusqu’à 10 ans. Aujourd’hui au collège elles regardent les films en VO comme tout le monde en Croatie (les films ne sont pas traduits), et sur You Tube elles regardent principalement des émissions américaines en anglais. Mais les 10 premières années elles ne regardaient que la télé en français.
Au début comme dans toutes les langues c’est beaucoup de répétitions. On apprend les mots simples, les parties du corps, les couleurs, etc. Pour ça, les imagiers aident beaucoup. Je leur lisais des livres en français tous les soirs, nos préférés étaient Tchoupi et plein d’autres petits livres dans le genre. Plus tard on a lu les ‘Martine’ et puis ‘les Fables de la Fontaine racontées aux enfants’ qui est vraiment le livre le mieux rentabilisé pour l’avoir tellement lu !
A partir de 7 ans – Apprentissage de la lecture
Je n’ai pas voulu commencer la lecture trop tôt, j’ai préféré attendre qu’elle rentre en CP. Le CP en Croatie est à 7 ans. J’ai commencé à leur apprendre la prononciation des lettres et des syllabes à 7 ans.
Il y a des fiches à imprimer sur internet qui m’ont beaucoup aidées pour apprendre la prononciation des syllabes. Ensuite lecture de mots à 2 et 3 syllabes, toujours des mots simples qui sont proposés avec les fiches.
Les premiers livres qu’elles ont commencé à lire sont les Sami et Julie. Niveau lecture c’est top car vous trouverez des livres vraiment très faciles à lire pour commencer. En plus les histoires sont intéressantes et correspondent bien à l’âge des enfants. Pour les premières lectures il existe beaucoup de livres intéressants qu’on trouve facilement sur Amazon. Plus tard quand elles commencent à bien lire les Premiers j’aime lire sont un atout majeur pour l’apprentissage de la lecture. Les histoires sont faciles à lire et intéressantes. Ensuite on peut passer aux J’aime lire pour le niveau supérieur.
Les cahiers de vacances
Ils méritent une catégorie à eux seuls ! Oui les cahiers de vacances ont été LA solution pour l’apprentissage de la lecture puis de l’écriture. Ils sont adaptés à tous les âges quel que soit le niveau de l’enfant. J’ai toujours pris un niveau au-dessous pour ne pas les démotiver avec des niveaux trop difficiles. Donc par exemple lorsqu’elles été en niveau CE2 je prenais des cahiers de vacances niveau CP. Les Max et Lili ont toujours été leurs cahiers de vacances préférés. Ils sont vraiment bien faits, variés, intéressants, des petites histoires faciles à lire, et le plus important… des autocollants à coller à chaque fin de page ou de niveau. Motivation assurée !
Pour moi ça a été une aubaine les jours ou je n’avais pas le temps de m’occuper de la lecture, ou elles n’étaient pas motivées à lire. Dans ce cas je leur donnais une double page à faire et ainsi on n’avait pas perdu notre journée. J’ai toujours essayé de leur faire faire du français au moins une fois par semaine, mais ce n’est pas toujours facile de trouver le temps et la motivation, de mon côté comme du leur. Donc les cahiers de vacances ont été la solution de facilité.
Après il n’y a qu’à augmenter de niveau chaque année et vous êtes tranquilles jusqu’au lycée car il y a beaucoup de choix pour toutes les matières au collège, donc pour le français.
Abonnement à un magazine
Vers l’age de 8-9 ans je les ai abonnées au magazine Astrapi qui est bimensuel. Un exemplaire coûte 5,20 euros soit 10,40 euros par mois en étant en France. En le commandant en Croatie je paye 11,32 euros par mois donc pour 2 magazines, je trouve ça tout à fait correct.
Astrapi les motive beaucoup à lire, elles l’attendent toujours avec impatience. C’est très intéressant, il y a beaucoup de petites histoires, de BD, de recettes, un texte sur l’actualité, et un dossier au centre du magazine qui leur permet de créer quelque chose en accord avec le thème du magazine, c’est très bien fait. Donc je le recommande vivement.
Au collège – L’apprentissage de l’écriture
Aie ! Ça c’est la partie qui fait mal. Autant l’apprentissage de la lecture s’est super bien passé, pour l’écriture c’est beaucoup plus difficile. Je m’étais donné comme objectif de commencer à 7 ans lorsqu’elles rentreraient en CP en Croatie, mais j’ai vite abandonné l’idée. Avec ce qu’elles apprenaient à l’école plus la lecture en français à la maison ça faisait trop.
J’ai remis ça à l’année suivante, puis à l’année suivante… Puis à chaque fois que je retentais l’expérience je m’apercevais qu’il était difficile de trouver le temps et la motivation pour faire au moins une fois de l’écriture par semaine, sachant qu’il fallait vraiment être régulier et en faire toutes les semaines sinon elles oubliaient vite ce qu’elles avaient appris. Il existe des cahiers très bien fait pour apprendre la grammaire, l’orthographe et la conjugaison mais à mon avis cela ne sert à rien si on n’est pas constant. J’aurai peut-être réussi avec un enfant mais la avec trois je n’y arrivais pas.
Donc j’ai repoussé au collège en me disant qu’en faisant beaucoup de lecture elles seront prêtes vers 11 ans pour l’écriture. Bien sûr ça n’a pas été aussi simple puisqu’au collège elles avaient trop de leçons pour trouver le temps de faire de l’écriture en plus. Le bon côté est que je me suis aperçue qu’en ayant fait de la lecture depuis le CP soit 5-6 ans de lecture elle savaient écrire beaucoup de mot en français. Des mots qu’elles avaient enregistrés sans le savoir. Et puis ce qui m’a aussi facilité les choses est qu’au collège elles apprenaient à écrire en anglais et le français et l’anglais étant beaucoup plus similaires qu’on ne le pense, ça a permis de faire un grand pas vers l’apprentissage de l’écriture en français.
Donc nous voici au collège à l’heure où je vous parle, les jumelles sont en 5eme, la plus petite en 6eme. Et ce n’est que maintenant que je ressors les cahiers destinés essentiellement à l’orthographe et aux règles de grammaire, que j’ai acheté il y a quelques années, et qui sont de niveau CM1. Et je trouve qu’ils sont parfaitement adaptés à leur niveau de français, c’est à dire que seulement maintenant les exercices leur semblent logique et faciles à comprendre.
Conclusion
Je pense qu’avant tout il ne faut pas se stresser et ne pas stresser ses enfants avec l’apprentissage du français. Mieux vaut faire peu mais régulièrement que de vouloir à tout prix leur apprendre les choses qu’apprennent les enfants du même âge en France.
Dans mon cas j’ai accepté qu’elles n’auraient pas le même niveau de vocabulaire que les enfants du même âge en France, et qu’en arrivant au collège elles ne sauraient toujours pas écrire en français. Et ce n’est pas grave ! Je pense qu’il faut regarder sur le long terme et mon objectif est plutôt de viser à ce qu’elles écrivent correctement en français d’ici l’entrée à l’université pour donner la possibilité éventuelle d’étudier en France. Donc ça laisse du temps.
Le principal étant de les pousser à faire de la lecture, en trouvant des livres adaptés à leur niveau, ou même un niveau inférieur tout le temps que c’est un livre qui les motive à lire. Par exemple j’ai trouvé que les blagues de Toto en BD peuvent vraiment aider un enfant à lire même si celui-ci n’en n’a aucune envie. Les blagues ça motive.
Il ne faut pas oublier que le but n’est pas que vos enfants vous haïssent mais plutôt qu’ils voient l’apprentissage du français comme une opportunité que vous leur offrez et un avantage que n’ont pas les enfants vivant en Croatie. Le français et la France en général sont très bien perçus en Croatie et en grandissant elles comprennent l’avantage que cela leur apporte.
Voilà pour vous donner une idée de mon expérience jusqu’à ce jour. Si vous êtes dans la même situation et désirez en discuter n’hésitez pas à me contacter à delphine@encroatie.com
* Si vous êtes intéressés par l’apprentissage du croate vous trouverez plus d’informations sur ma page dédiée à la langue croate.